▽ Forgive, forget, give up.

La neige. Tu avais toujours aimé la neige. Lui aussi, autrefois, il aimait la neige. Lorsque pour la première fois tes yeux s'étaient levés vers un ciel blanc pendant qu'un océan de flocons poudreux envahissaient ta chevelure rose, tu t'étais sentie pleinement heureuse et remplie d'une joie incertaine que tu ne savais définir. Aujourd'hui encore, tu te plaisais à relever la tête et à admirer le ciel de coton non pas parce que ça te rendait heureuse mais parce qu'il te rappelait ton bonheur d'antan.

Tu n'étais pas triste, pas même joyeuse ni en colère et s'il y avait la moindre euphorie dans ton attitude, elle n'en restait pas moins inexistante en ton cœur froid et impénétrable. Il n'y avait là qu'un soupçon de nostalgie, une once de regret, une lueur imperceptible et imperturbable à travers tes rubis observant sans jugement aucun l'infini plafond gelé qui s'étendait à plus long encore que les années que tu avais traversées. Ce n'était pas douloureux, de se rappeler et entendre son nom ne t'avait jamais été handicapant. Au contraire, in te donnait une raison de plus de réussir. Réussir à écraser jusqu'au ciel de ta supériorité. Un fin sourire se dessinait sur tes lips.

« Je n'aurais même plus le loisir de t'en vouloir, pas vrai, Jack ? »

Une main gelée se pose sur ton épaule couverte par ta simple cape noire. Tu redresses la tête tandis que tes longs cils noirs reprennent leur angle initial. Tu tords ton cou juste assez pour l'observer sans la regarder. Tu l'interroges d'un bref haussement de sourcils qui l'avait fait frémir. Elle semble hésiter. Faisais-tu vraiment peur à tes propres servantes ? Allons donc. Parler seule faisait peut-être de toi une vieille folle qui avait traversé trop d'années mais pas une dangereuse suceuse de sang. Avouons-le; à part ton immortalité, ton statut de vampire ne t'avait jusqu'à présent offert que terribles dépendances insoutenables. C'était justement lorsque tu étais en manque que tu devenais dangereuse. Il a malheureusement fallut que cette pauvre Mordue que tu avais accueillie dans ton palais t'annonce la perte d'un de tes précieux Calices.

« Vous pouvez disposer. »

Sans attendre une seconde de plus, elle avait disparu. Un soupire s'échappa d'entre tes lèvres froides mais bien roses. Chaussures à la main, robe à mi-cuisses et cape aux épaules, tu avanças d'un bon pas vers la capitale. Il était temps de leur donner une raison d'avoir peur.

***

«━ Qu'allez vous faire de moi ? Et qui êtes-vous pour commencer ? Pourquoi avez-vous besoin de faire ça ?
━ Tiens-toi droite et arrête de me regarder comme si tu étais un misérable animal, tu as l'air pitoyable.»

Ton sourire t'avait quitté. Si le sang t'avait manqué, les remarques idiotes des humains, elles, auraient pu ne pas être comprises dans le marché. Tu estimais que sa jolie tête blonde n'avait pas besoin d'informations supplémentaires comme "j'étais en manque", "j'ai besoin de toi pour survivre" ou encore "je t'ai choisie parce que t'étais sur le chemin". C'était vrai, certes, mais en plus d'être une bonne menteuse et une belle manipulatrice, tu n'avais aucune envie de perdre toute forme de crédibilité. Déjà qu'il t'en restait si peu..

D'un mouvement fluide tu remis tes chaussures et passa une main dans tes cheveux décoiffés par le vent. Il ne t'avait pas fallut plus de deux secondes pour les remettre correctement en plis. Tu clignas deux fois des paupières, dirigeant tes yeux rubis vers ta proie dans son filet. Tu la détailles, de haut en bas, de droite à gauche, sans te détacher de ton air hautain malgré ta délicatesse bien présente. Tu passes ta langue sur tes canines. Son sang t'avait paru étrange. Est-ce qu'elle n'était pas humaine ? Tu plissas les yeux, assez peu pour ne pas que cela déforme ton visage. Tu soupiras brièvement, relevant le menton en la toisant du regard.

« Même pas le moindre signe de combativité pour défendre ta vie et ta liberté. Tu n'as pas honte, d'être si faible ? »

Peut-être que la prochaine fois, tu ferais attention à être plus sélective sur le choix de tes Calices. Cependant, les gens qui se battent se battaient également contre toi et rien que te voir t'approcher les faisait déjà se mettre sur leurs gardes. C'était amusant pour toi, pas pour eux. Tu n'avais pas envie d'un Calice qui chaque fois que tu avais soif s'enfuie en courant. Il fallait croire qu'une jolie tignasse ne suffisait pas à juger de la valeur d'une personne.. Enfin, au moins sa vue ne t'agresserait pas la rétine: un point pour elle. Tu fais signe de la saluer d'un bref mouvement de tête.

« Regina. Tu t'appelles ? »

Un ton glacial hantait ta voix posée et assurée. Pour la deuxième fois tu passes ta langue sur une de tes canines. Ton souffle froid est imperturbable. Tes yeux perçants la dévisagent sans agression, comme une attaque sans viol, une gueule grognant sans crocs sortis. Tes lèvres fermées s'entre-ouvrent pour y laisser se glisser un soupire bref et sec qui ne t'arracha aucune stabilité.

« Que ce soit clair. Tu es désormais ━ à moi. Je vais donc imposer mes conditions ━ et conséquences si tu ne les respectes pas. Ecoute bien, je ne répéterai pas. »

Tu tournes d'un quart de tour vers la droite, lui demeurant supérieure en taille comme en autorité. Tu avais toujours fait s'écraser les gens devant toi; ça t'offrait plaisir et satisfaction, autrefois. Seulement, à force de toujours te mettre sur un piédestal aussi imposant, c'en était devenu plus un réflexe qu'un réel jeu qui t'amusait. Cela faisait maintenant partie d'un quotidien morose et ennuyant, d'être toujours plus haute. Tu hausses les sourcils, sans la regarder.

« Lorsque j'ai besoin de toi, tu accours. Sans quoi tu mourras. » Un ton sec qui n'admettait aucune interruption. « Lorsque je te donne un ordre, quel qu'il soit, tu l'exécutes. Sans quoi tu mourras. » Un dos droit, des jambes assurées, un visage glacial, une mine autoritaire. « Lorsque tu doutes de ta loyauté envers moi, meurs. Sans quoi, je devrais me salir les mains. »

Tu la regardes à nouveau et hausses un sourcil, lui prouvant ta toute grandeur.

« Ai-je été claire ? »