Sethounet et aydinounette:

Pour tout vous dire, Aydin détestait la période de Noël. Les gens lui paraissaient niais, les gamins étaient en ébullition, et on voyait du rouge, les fameux vieux bonhommes en rouge, du vert et des sapins, et toutes ces choses qui caractérisaient cette fête de fin d'année. Ce n'était pas que ça la mettait de mauvaise humeur, hein, c'était juste qu'elle n'arrivait pas à gérer toute cette euphorie soudaine. Et encore, ce n'était pas ce qu'elle détestait le plus à cette période. Le pire, c'était que chaque année, elle devait se taper les fêtes organisées par la petite bourgeoisie, donc les amis de son père. Et ça, ça, c'était vraiment un truc qui la rendait maussade. En plus de devoir bien se tenir et faire la demoiselle calme et gentille, elle devait donner une bonne image à tout ces gens hypocrites qu'elle ne supportait pas, surtout les gamins un peu hautains qu'elle avait plus d'une fois laissé vivre indemnes par pur respect de la réputation de son père.

Tout ça pour dire qu'Aydin avait préparé quelques affaires dans un sac avec la tête de quelqu'un de très motivé, puisqu'il devait se rendre à Kalel pour y rejoindre son géniteur. Il voulait pas le laisser seul pour Noël, c'était pour lui qu'il faisait ça. Ça l'embêtait, mais l'affection qu'il avait pour son père était assez forte pour qu'il se bouge pour lui. Mais il y avait également autre chose qui l'avait fait se déplacer: il avait entendu l'Oracle dire que le Père Noël aurait perdu ses rennes, ses cadeaux. Au départ, l'androgyne avait levé un sourcil en se disant qu'il n'en avait rien à fiche, et que de toute manière il croyait plus au Père Noël depuis belle lurette. S'il y avait cru un jour. Puis on lui avait dit qu'il y aurait une récompense à la clé. Et là, le côté avide avait parlé. Un vœu exaucé ? Il n'y croyait pas trop non plus, mais puisqu'il était sur Kalel à ce moment-là... Autant enquêter sur le sujet. Aydin avait donc quitté Froënbourg, accompagnée d'Ahmad/Seth, qui visiblement, avaient (avait ?) le même intérêt pour cette "prophétie". Tous deux s'étaient séparés à l'arrivée, puisque Aydin devait rentrer chez elle.

Le soir même, une soirée avait déjà été organisée par un des amis de son père. Si vous aviez pu voir la joie qui se dessinait sur les traits du visage d'Aydin... qui, vêtue en fille, avait fait la tronche dans son coin toute la soirée et n'avait souri et parlé que lorsqu'elle en avait l'obligation. Rah. Jusqu'à ce qu'elle reçoive un sms qui lui indiquait qu'ils devraient se retrouver plus tôt que prévu -normalement, ils devaient se retrouver le lendemain après-midi- au lieu de rendez-vous devant la Taverne, histoire de se rejoindre pour aller à ce fameux manège. Ouais, un manège. Heureuse de pouvoir fuir plus tôt que prévu, Aydin quitta la fête avec empressement, se changea, se démaquilla à la hâte en râlant qu'elle détestait ça, ne remarquant pas qu'elle avait laissé une trace de mascara sur son nez fin, et rejoignit le point de rendez vous... visiblement en retard. La faute à son pouvoir qui perturbait les ondes de son portable, elle recevait toujours les sms avec dix voire une heure de retard, et les appels passaient les trois quarts du temps.

Suite à l’incident avec le chasseur, Seth s’était fait tout petit en espérant qu’Ahmad finirait par tirer un trait sur ce qu’il avait pu entrapercevoir dans sa propre caboche. Un rendez-vous chez le médecin plus tard et le diagnostic voulait qu’il soit victime de surmenage –la bonne blague-, et qu’il avait donc besoin de repos, quel petit veinard, sachant que les fêtes de fin d’année approchaient.
Ce qui est bien avec la globalisation, c’est que, peu importe si vous êtes né dans le sable ou sur la neige, Noël, vous n’y couperez pas. Ainsi, même si, à première vue, la tradition devait venir du côté de Marina ou de Terraria –ou peut-être de Froënbourg ?-, personne n’y recoupait et voilà qu’Ahmad empaquetait quelques caleçons –des cadeaux ? et puis quoi encore ?- pour rentrer chez papa et maman, au bras d’Aydin qui y avait aussi droit.

Oh, Seth a rouspété, jusqu’à ce que la jeune fille ne lui parle des rennes et surtout de la récompense. De fait, comme Seth avait tendance à faire tourner le monde autour de son nombril –ou plutôt de celui d’Ahmad-, il s’était dit qu’un petit vœu pourrait bien lui être utile s’il voulait quitter le corps de son hôte.
Faisant donc partie du voyage quoiqu’il en coûte, le joyeux duo –officieusement trio- s’était séparé aux portes de la ville, numéro et promesse de rendez-vous nocturne en poche.

On passera les brûlantes retrouvailles de la famille Abdelbari, puisque Seth n’était là que pour une seule chose. Et qu’elle ne fut pas ta surprise lorsqu’à l’aube, ce n’est pas le père Noël mais Fenrir en culotte courte qui débarque à ta fenêtre. C’est donc aux premières heures du jour, sur un coup de tête –ou de queue, à vous de voir- que t’as décidé de précipiter votre rendez-vous avec Aydin.

Le temps de jeter un minimum de vêtements sur le dos de Fenrir qui croyait vous faire la plus belle des fleurs en vous accompagnant dans votre chasse, vous décampez en direction de Dromadaire Land –autant dire que, devant les portes du parc, les souvenirs d’enfance d’Ahmad t’ont assailli- et poireautez bien une heure avant que mademoiselle ne décide à pointer le bout de son nez, taché de roux –et de noir, ok, pourquoi pas.
« Chérie, j’te présente mon garde du corps, mais à voir ta tronche, ‘faut croire que vous vous connaissez aussi » que tu te hasardes, désignant d’un coup d’épaule ton titanesque sbire.
« Le parc ouvre dans quelques heures, mais on a d’la marge parce que ça m’étonnerait que les bonnes gens de Kalel ne soient avides de sueurs froides dès le petit matin » un coup d’œil pour la maison glauque dans laquelle vous vous apprêtiez à entrer ; à ton époque, ce parc n’était qu’un fantasme et autant dire que les maisons hantées, tu ne connaissais pas, cas échéant peut-être de ton propre tombeau –qui ne te rappelait pas de très bons souvenirs.

Du coup, avant qu’on ose croire que t’avais les jetons, vous vous prêtez à quelques acrobaties pour franchir les barrières et vous glisser dans la maison, débouchant sur un hall étriqué aux murs recouverts de portraits de profil vieux comme le monde et de miroirs déformants.
« Bien, bien, bien… on met la main sur ces foutus rennes –vivants de préférence, mon loupiot- et on se carapate vite fait d’ici~ » que tu planifies, considérant en coin le reflet complètement tordu de ton hôte que ça te tirerait une grimace si tu ne sentais pas des forces obscures à l’œuvre dans l’atmosphère.