Et merde... Pourquoi est-ce qu'ils me suivent. Qu'est-ce que j'ai fait ? Est-ce que je sens l'herbe à chats ? Le pire, c'est que j'ai l'impression qu'ils me parlent. Les chats me parlent ! Et je crois qu'ils savent que je les comprend. Ce qu'elle peut être bizarre cette citée. Tout semble paranormal et Bastet ne me dit rien sur ce qu'il se passe. Elle veut que je découvre de moi-même ce nouvel environnement dans lequel je vais bien finir par me perdre à force de courir comme un imbécile. Ah, merde... Ils me suivent encore. Trois petits bébés chats à la recherche de leur maman. Attend... Comment est-ce que je fais pour savoir qu'ils recherche leur mère ? Je tourne dans ce qui semble être une ruelle, m'arrêtant pour me cacher derrière des vidanges. Ça sent mauvais ce truc... J'entends un miaulement, deux miaulements... L'un d'eux finit par me trouver.

Je lui fait signe de se taire, mais il vient de frotter à mon pied. Je ronronne inconsciemment, mes pupilles se dilatant alors que je fixais le petit félin. Les deux autres se rapprochent et agrippent mon pantalon. Ils ont faim... Je soupire.

« J'ai perdu, c'est bon. Arrêtez de pleurer. »

Je me redresse, les cachant dans mon veston et les tenant d'une main. J'essaie de retrouver mon chemin, m'arrêtant devant un petit restaurant. Je commande pour apporter, nourrissant alors les bébés de poisson que je me retient de manger tant qu'ils n'ont pas terminé... Je mange ce qui reste, Bastet me demandant de ne pas refaire ça. Quoi, c'est si mal de partager ? Bref... C'est en voyant que la nuit allait bientôt tomber que je me mets à la recherche de leur maman. Une maman que je retrouve sans vie, dans la rue, proche d'un sac à ordures...

« Oh, non... Non, non... Ne regardez pas. »

Je change de rue, retournant au côté des commerces. Je m'assois dans un coin tranquille, enlevant ma veste pour laisser les chatons se coucher dessus. Je caresse leurs crânes jusqu'à ce qu'ils s'endorment. Je ronronne, plus par nervosité qu'autre chose. Dans quoi je venais de me mettre encore ?

« Je vous aimes. »

Je les surveille, saluant d'une main un gros chat qui passait devant moi... Quoi que non. C'est trop gros pour être un chat. Je fronce les sourcils, me demandant si je pouvais lui parler. Qui sait... Ce pourrait peut-être fonctionner.

« Salut ? Moi c'est Alyx. Je crois que je parle au chat. Enfin... Je comprends ce qu'ils me disent. Tu trouves pas ça étrange ? Parce que moi, oui. »

Immortel, ad vitam

Jour de congé, jour de repos, jour de glandouille, comme on dirait familièrement. Pour moi, jour de repos, tout simplement, vacances magiques aussi, un jour où je n'avais pas besoin de me camoufler sous une forme humaine pour apparaître dans la société. Le seul souci, c'est que je devrais éviter d'apparaître tout court aux yeux des gens sous ma véritable forme, car ce n'était pas très commun, un lynx qui se balade dans les rues en plein jour.

Par contre, le soir, c'était fiesta ! Moins de monde dans les rues, plus de mes camarades furetant dans le coin pour trouver de la nourriture… Ca restait anodin. Aussi, après avoir passé une journée complète à roupiller, le temps de reprendre des forces après avoir passé encore des huit ou dix heures en usant de la magie, je passais par la fenêtre de ma chambre au crépuscule, fenêtre qui restait toujours ouverte, pour sauter dans la rue - je vivais au premier étage, donc no problem !

Le soir, il y a des doux parfums de restauration, dans les rues commerçantes, du Sushi bar au poissonnier du coin, il n'y avait rien de mieux que pour éveiller mon appétit. Et c'est comme ça aussi qu'on faisait des économies, même s'il fallait perdre sa dignité humaine, en tant que lynx, c'était le festin du roi. Mais il fallait se battre parfois, avec les chats du quartier qui pouvaient se montrer plus féroces que des loups pour de la nourriture. Etant du genre à grignoter à n'importe quelle heure - normal pour un félin - je ne prenais pas la peine de lever la patte, je n'étais pas à plaindre.

Les tables - poubelles - des restaurants sont toutes pleines, plus de place pour se faire un petit festin, alors je continue à vagabonder en reniflant en l'air, passant dans l'ombre des immeubles pour éviter de croiser un humain qui pourrait avoir peur - oui, un lynx, ça a beau être un gros chat, ça reste impressionnant - ou qui pourrait me chasser à coup de balai. Le monde est cruel avec les animaux…

Dans une ruelle, plus au calme, en direction des résidences, il y a un homme, avec trois chatons. Je l'observe de loin d'abord, sentant comme des phéromones qui m'attirent, et je ne sais si c'est de la curiosité ou autre chose, mais je me laisse emporter à l'approcher, confiant en voyant mes trois cadets s'amuser avec. Peut-être accepterait-il de me faire bénéficier de quelques massages pour apaiser ma nervosité ? J'aime ça, le contact, mais les humains n'en sont pas friands entre eux… Je sais que mon père adoptif avait du mal au début, de me voir me frotter contre lui, ou le prendre dans mes bras sous forme humaine. Aussi, il m'avait recommandé de ne pas le faire. Surtout que j'arrivais à effrayer les professeur quand je faisais ça à l'école, ils me trouvaient trop bizarre…

Mais je suis un félin, à cet instant, et même s'il me parle, je ne devrais pas lui répondre. Pourtant mon oreille se dresse et je l'observe avec cet éclat d'intelligence que n'ont pas les animaux, seuls les lémures comprennent, et je me sens obligé de parler, de lui répondre, comme s'il était un des miens :

❝ Un chat, ça parle pas. La communication est moins complexe, ils se font comprendre par des signaux pour faire comprendre des notions, seulement, ce n'est pas une forme de parole, un peu comme un bébé qui crierait pour avoir à manger, ou pour dire qu'il a mal… C'est tout. ❞

Cet air blasé… Et pourtant, je le sais, les animaux ne parlent pas. Ils se font comprendre par des codes très simples, transmis par un cri, un geste, des hormones et les humains ne possèdent pas la sensibilité propre aux races pour les comprendre. En revanche, lui… il est différent. Je m'approche encore, pose une patte sur son genou, ignorant les bambins qui commençaient à jouer avec ma queue courte, et je le regarde droit dans les yeux, en prenant appui, pour essayer de comprendre. Je scrute son visage, et instinctivement mon organe se met à ronronner, exprimant ma confiance, mon bien-être.

❝ Catman, t'es bizarre pour un homme, mais pas pour moi. Tu es différent. T'as quoi là ? ❞

Je me mets à renifler ses mains, elles sentent le poisson, c'était peut-être ça qui m'avait attiré en fait. Mais comment arrivait-il à me faire parler. Et surtout, il n'avait pas l'air de fuir alors que...

Plus je regarde ce gros chat, plus j'ai l'impression que quelque chose grandit en moi. Son oreille se dresse, son corps se déplace... Bastet ne dit toujours rien et je me demande ce qui pourrait justifier son silence. Habituellement, c'est la première à me dicter avec précision ce qu'il se passe, car sinon... Bah j'suis complètement paumé sans ses interventions en fait. Je suis perdu dans cet univers déjà assez incompréhensible selon moi. Alors, si en plus, un rajoute des chats qui parlent... Ça ne va pas du tout. Je crois que je manque de sommeil. Qu'en fait, je me suis endormi chez moi et que tout ça n'est qu'un long rêve plutôt intéressant, mais cruel dans l'ensemble. Le félin prend parole, m'approchant à nouveau. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne suis pas surpris. Je savais qu'il arriverait quelque chose de bizarre et ça... Ça, c'est bizarre. C'est bizarrement extraordinaire. Je veux ce genre d'animal chez moi. Ce serait trop merveilleux. Un collègue félin, c'est trop bien. J'ai l'impression que je peux lui parler encore et encore sans plus jamais m'arrêter, sans avoir peur d'une trahison.   

« Oh... je vois. Alors, je ne fais que préciser ce que les chats veulent. Enfin, ce que les félins veulent. »

Je soupire, allant caresser la fourrure du matou. C'est un lynx Alyx. Oh, elle parle maintenant... Le ronronnement de celui-ci est contagieux, puisque je ronronne à mon tour. Mon regard pénètre le sien un instant, mes pupilles se dilatant de nouveau lors de ce contact visuel. J'ai envie de le serrer dans mes bras, mais je ne fais rien. Pour l'une des rares fois de ma vie, je me contrôle. J'ai trop peur qu'il ne parte si jamais je venais à lui faire mal. Je sursaute en l'entendant de nouveau, puis je relève ma main pour la regarder un instant. Oh... Le poisson.

« J'ai acheté du poisson pour les chatons. J'ai mangé ce qui restait, mais si tu veux, je peux aller en acheter un autre. »

Je relève légèrement ma veste pour fouiller dans les poches et en retirer quelques pièces d'argent. Voilà qui devrait faire l'affaire.

« Il va falloir que tu surveilles les bébés pendant mon absence. Ça te va ? » Demandais-je en lui caressant le crâne de ma main libre.

Ce qu'il est beau quand même. Je ronronne de plus en plus fortement, habité de cette envie de me rouler partout. Ohla... Il faut que je me calme.

The cat whisperer

Ce mec… il n'avait vraiment pas l'air choqué de rencontrer un animal qui parle, un chat qui venait de dire justement que les chats ne parlaient pas, mais communiquaient d'une façon instinctive entre eux. Il n'avait pas l'air très futé, mais il me faisait rire et j'avais envie de lui faire confiance, il ne serait pas étonné par ma nature. Et dans le pire des cas, l'humain ne faisait pas suffisamment confiance en sa mémoire pour se permettre d'oublier certains détails trop traumatisant, en mettant cela sur le compte de l'alcool par exemple.

Friand de câlins, je me laisse gratter le crâne en ronronnant et fermant les yeux, souriant de plaisir, mais je ne vais pas chercher plus loin. Je suis un lynx avant d'être un chat domestique, je resterais éternellement sauvage, de par ma nature et mon éducation qui m'obligeait à rester loin des gens sous cette forme.

Mais il était seul et me proposait du poisson ! Il a de quoi m'amadouer, il savait parler aux bêtes, lui, ou tout du moins à leur estomac. Mes pupilles s'ouvrent à l'entente du mot poisson et je ne réponds rien, laissant réagir mon corps pour affirmer mon désir de gourmandise. Hochant la tête d'un air entendu et me léchant les babines, j'affirmais mon accord pour la garde des petits, et le laissais passer en m'écartant et en chopant un dans ma gueule pour attirer les autres.

Il s'éloigna, tandis que je m'asseyais sur le bitume en déposant le chaton parmi ses congénères, leur donnant de tendre coup de pattes pour attirer l'attention afin qu'ils ne partent pas. Mais je remarquais rapidement qu'il était plus simple de les surveiller sous forme humaine, avec des mains, plutôt qu'en lynx avec des pattes griffues. J'entrepris alors la métamorphose et m'assis sur le muret en tailleur pour prendre les animaux entre mes jambes. Voilà, ils étaient dans une espèce de parc.

J'attendis patiemment, m'appuyant en arrière sur mes bras, pour scruter le ciel d'un air pensif, jusqu'à ce que je l'entende revenir au pas de courses, alors que je lui faisais la réflexion :

❝ T'en as mis du temps ! Ils se sont endormis. Ce sont les tiens ? Tu devrais les garder chez toi, sinon, ils pourraient leur arriver un malheur, ils sont trop jeunes pour découvrir le monde... ❞

Aller, aller... Je cours pour retourner là où j'avais acheté le poisson plus tôt. Le marchand semble assez content de me revoir, m'offrant alors un sourire que je ne pourrais sûrement jamais oublier. Nous discutons un instant, mais les chatons me reviennent rapidement en tête. Lorsque j'ai ma commande en mains, je retourne au lieu de départ, m'arrêtant peu à peu en remarquant que le gros chat avait disparu... Ou pas. J'approche le nouveau venu avec cet impression de le connaître. Les bébés chats vont bien... C'est rassurant. Je soupire, tendant le poisson vers l'homme après que celui-ci ait parlé. Je ne vais pas me prendre la tête. Des choses étranges m'arrivent chaque jour... Le lynx s'est changé en homme, c'est ça ? Qu'est-ce que j'en sais, mais je peux au moins me fier à la voix.

Je doute qu'un inconnu se soit pointé comme ça, pour le plaisir de garder des chatons et qu'en plus, il savait que j'allais revenir... Ouais... Le fait que ce soit le lynx m'est plus plausible et logique. J'attends qu'il empoigne le poisson avant de répondre à son jugement.  

« Ce n'est pas les miens... La mère est décédée. Ils m'ont appelés à l'aide. Ils m'ont même poursuivit. »

Dis-je en les pointant du doigts pour les accuser. Quoi que plus j'y pense, plus je me dis que je suis peut-être le problème dans cette histoire. Je m'assois sagement, regardant l'homme face à moi. Je dirige l'une de mes mains vers son visage, caressant sa joue et montant ma paume pour aller glisser mes doigts dans ses cheveux. Je peux toujours lui faire ce genre de chose... Non ? Peu importe, j'aime ça.

« Je vais les prendre sous ma responsabilité... Mais je ne suis peut-être pas le meilleur exemple de parents qu'il y a dans ce monde. »

Je retire ma main tout en prenant place au côté des bébés, me couchant donc contre le sol.

« Dit... Tu es un homme qui se change en lynx ou le contraire ? Parce qu'en fait... Je n'ai pas l'impression que tu es humain. Il se peut que je me trompe, mais bon... C'est l’instinct qui parle. »

Ooyamaneko Kodomo

La nuit, tous les chats sont gris, et les ivrognes cuvent leur vin, dans ce monde où l'extraordinaire fait partie du quotidien, il n'y a plus de place à la surprise. Cet homme n'avait rien de commun, je n'avais rien non plus de commun, si ce n'était que l'apparence, mais une aura nous englobait, nous laissant aller à se dévoiler lentement, contre toute attente, en se faisant confiance, comme s'il s'agissait d'un vieil ami. Je ne le connaissais pourtant pas, mais dès qu'il revenait, je me remettais à ronronner instinctivement comme si on m'enveloppait dans une fourrure chaude et rassurante.

Me redressant, j'attrape le poisson, le hume et commence à arracher des petites bouchées pour les avaler rapidement. Je sens l'un des chatons se réveiller, sans doute attiré par la nourriture, à qui j'offre quelques morceaux pour qu'il n'attaque pas mon poisson. Les autres dorment à poings fermés, sans doute épuisés par leurs mésaventures que me contait Alyx. Je l'observais en dégustant tranquillement.

En revanche, lorsqu'il approcha sa main, j'eus un mouvement de recul. On ne touche pas un félin quand il mange, aussi je levais la tête pour qu'il n'aille pas plus loin et m'arrêtais de manger en lançant un regard menaçant à cette main qui osait me déranger pendant mon repas. Il avait beau être rassurant, je n'étais pas un chat domestique à qui on pouvait tout faire. Et le fait qu'il approche ainsi était sans doute pour endormir mes sens, m'amadouer et peut-être me voler ma nourriture. S'il voulait le faire, il n'aurait pas dû me la donner. Mais maintenant que le poisson était entre mes pattes…

Recommençant à manger une fois qu'il eut éloigner sa main, je l'écoutais toujours, décortiquant les dernières chairs restant sur le squelette, faisant attention à ne pas avaler d'arêtes qui pourraient se révéler fatales. Un instant de silence suivit et je pris le temps avant de m'exprimer :

❝ S'ils t'ont suivi, c'est qu'ils ont confiance en toi. Fie-toi à l'instinct d'un félin. ❞

A mes yeux, il n'y a pas plus exact que l'instinct d'un félin, en étant un moi-même. Et puis, personnellement, je lui faisais confiance, mais pourquoi ? Il était le premier homme qui m'inspirait un tel sentiment à la première rencontre, et je suis sûr qu'il n'est pas un lémure. D'ailleurs, il semble déduire pas mal de choses sur mon compte…

❝ Je suis... ❞

Je m'interrompe quelques secondes, réfléchissant à me propre nature qui restait mystérieuse, même pour moi, au final, car nous sommes rares, nous nous cachons aux yeux des humains, mais nous ne savons pas exactement ce que nous sommes…

❝ On nous appelle "Lémures", des… animaux avec des dons, mais… nous sommes aussi à moitié humain, sinon, comment pourrions-nous nous fondre dans la masse humaine ? ❞

C'était la réflexion que je me faisais. Mi-humain, mi-animal, c'était la définition que je me faisais, car je vivais dans ces deux mondes. Ma main passa dans la fourrure d'un chaton, alors que celui qui était éveillé la cherchait pour avoir des câlins, réveillant ses frères et soeurs. Mais ils se lovèrent les uns contre les autres entre mes jambes pour se rendormir, alors que je m'intéressais à la nature de cet individu :

❝ Et toi ? Qu'est-ce que tu es ? C'est pas normal un homme qui attire les félins comme ça... ❞

Oh... Je retire lentement ma main en voyant sa réaction, me reculant donc un peu pour ne pas le déranger plus qu'il ne le faudrait. Je me préoccupe plutôt des petits chatons, souriant lorsque le Lynx parle à nouveau. S'ils m'ont suivi, c'est qu'ils ont eu confiance en moi ? C'est logique, mais ça fait bizarre de me dire que des bébés chats comptent sur moi... Très bizarre. Je ne suis certainement pas la bonne figure de représentation d'un parent. En fait, je serais sûrement dans la liste des pires parents et en dessous de mon nom, il y aurait la signature de Bastet pour approuver le tout. Je fronce les sourcils, soupirant brièvement. Pourquoi est-ce que ça tomber toujours sur moi ce genre de situation bizarre ? Je sais que je ne suis pas ce qu'on peut appeler de la normalité, mais quand même...

« C'est pas de chance... »

Dis-je plus pour moi-même, mais bon, je glisse mes pupilles dilatés vers l'homme qui reprend parole pour me faire part de ce qu'il est vraiment. J'ai l'impression qu'il hésite, mais bon... Rien n'est clair depuis que j'ai pénétré ce lieu. J'hoche lentement la tête en l'entendant, mais je ne suis pas sûr de comprendre. Un animal possédant un don d'humain... Et moi je suis un humain possédant des dons d'animaux. Quelle ironie... Je me frotte la nuque, croisant les jambes.

« Est-ce que tu habites proche d'ici ? Je veux dire... Indépendant de l'homme... »

Je cherche mes mots pour mieux reposer la question.

« Tu as un maître ou tu possèdes ta propre maison ? »

La suite des choses me laisse perplexe. Que suis-je ? C'est une bonne question et je crois que je dois répondre... Je suis... je suis... Qu'est-ce que je peux bien dire ?

« Je suis un... Demi-chat. J'ai des pouvoirs envers les chats. Les félins en fait. Je crois que je me redécouvre encore. Je peux aussi me transformer en femme. »

À se demander ce que je ne peux pas faire. Je fixe de nouveau les bébés en souriant.

« Ils s'endorment si rapidement avec toi... On devrait faire une garde partagée... Je te payerais pension si tu veux. »

Chat, c'est toi.

Jamais je n'avais dévoilé ma véritable nature à quiconque. Il était déjà arrivé que certains le devinent d'eux-mêmes, en supposant uniquement, mais sans oser toucher la vérité du doigt. Moi-même je n'étais pas sûr de ma nature, alors il était difficile de trouver les mots pour bien expliquer. Déjà que c'étaient mes parents qui me l'avait expliqué il y a longtemps, de leur vivant, quoi. Même mon père adoptif avait du mal à comprendre ma nature.

❝ Je vis avec un homme qui m'a recueilli, dans une vieille baraque. Je peux pas vivre dans la nature, j'ai pas appris, et je peux pas vivre seul non plus. ❞

Un lynx ne vivait pas vraiment en groupe, mais je vivais avec deux sortes de gênes dans le sang et pouvoir vivre avec comportait quelques sacrifices tels que l'incapacité à pouvoir se débrouiller seul. J'avais encore trop de choses à apprendre et certains concepts humains avaient encore du mal à entrer dans mon cerveau. Par contre, je fronçais les sourcils en entendant le mot maître et me sentis insulté, montrant les crocs et grognant :

❝ Un maître ?! Tu rigoles j'espère ! Je dois rien à personne, je ne sers pas comme un bon toutou, moi. Me confonds pas avec un clébard ! ❞

Profondément vexé, je le fusillais du regard, mais me calmais rapidement en caressant les boules de poils qui logeaient au creux de mes cuisses. Mais il arrive à attirer à nouveau mon attention, alors que je changeais de nouveau de comportement, reprenant un air curieux, en l'écoutant, ne comprenant pas vraiment ce qu'il me racontait :

❝ Un demi-chat… ? C'est possible ça ? T'es pas un lémure ? En femme… t'es un mec bizarre, toi. ❞

Je ne voyais pas l'intérêt de se changer en femme, mais certes. Il y avait autre chose dans son aura. Cette douceur féminine émanant de lui s'expliquait donc ainsi, mais j'avais le sentiment profond qu'il me cachait d'autres trucs, aussi, je fronçais les sourcils, le scrutant avec méfiance, tandis que je répondais :

❝ Il y a plein de chats à la maison. Je peux les garder, ça dérang pas, ils trouveront des camarades parmi les autres. Il y a une ou deux femelles qui ont eu des portées, elles seront peut-être charitables. ❞

Mes lèvres se pincèrent et quelques secondes s'écoulèrent avant que je réengage la conversation, osant le tout pour le tout :

❝ Non… Ya autre chose en toi. T'es pas juste un gars qui attire les félins. Ou une femme. Les humains sont pas capables de "ça" ❞

"Ca", je ne savais pas exactement ce que c'était, je ne savais pas comment exprimer ce sentiment que je ressentais à ses côtés, cette attirance… Un félin ne possède pas de maître, alors pourquoi lui il était capable de nous mener au doigt et à l'oeil pour les plus crédibles ? Je n'étais pas aveugle.

J'hoche inconsciemment la tête en l'écoutant. Alors... Il vit avec un homme qui l'a recueilli. Je me demande si l'homme en question connait la nature du lynx. Est-ce qu'il l'a recueilli en tant qu'animal ou en tant qu'humain ? Ahlala, mes questions existentielles commencent à me faire mal à la tête. Sérieusement, lorsqu'on héberge quelqu'un, on sait forcément qui il est est... Ou pas. Quoi qu'il en soit, c'est gentil et je respecte cet homme. Je souris en coin à la suite des mots de mon interlocuteur. Il n'est pas un clébard... Alors là, c'est certain, il n'en ait pas un. Je rigole silencieusement, histoire de ne pas trop me faire entendre, quoi que je sais bien qu'il risque de percevoir un petit son. Après tout, il a sûrement quelques uns de ses sens de développés.    

« Pardonne-moi. » Lui dis-je avec un rictus en coin.

Même si cela n'en avait sûrement pas l'air, je me sentais quand même mal de ce que j'avais insinué plus tôt. Peut-être m'aurais-je aussi senti insulté à sa place. Moi, avoir un maître... Je ris de nouveau en me disant que Bastet est une sorte de maîtresse si on veut. Elle me dresse à sa façon après tout. Chaque jour, elle me donne des ''ordres''. Arrête tes bêtises. Ok, ok... Je reporte mon attention sur le lynx.

« Un... Lémure ? Je ne sais pas. »

Je demanderais à Bastet plus tard pour être sûr. Ça nous fera un sujet de conversation. Mes pupilles se posent sur le bébés chats. J'hausse les épaules face à ce que j'entends. Des maman chats charitables... Ça ne pourrait qu'être bon. Par chez moi, il est rare que je trouve des chats et loin est l'idée de mettre en danger les chatons. Il ne reste donc que cette solution.

« Ça me va... Peut-être que je vais venir leur rendre visite par contre. Du coup, il faudrait que tu me montres où est ta maison. »

Je sursaute, mon coeur manquant un bon face aux paroles de mon complice. Ça... ''Ça'', c'est sûrement Bastet. Est-ce que je peux lui dire sans craindre quoi que ce soit ? J'inspire profondément, me grattant la joue de l'index.

« Est-ce que tu connais Bastet ? Une déesse égyptienne qui est très amie avec les chats. C'est la déesse des chats en fait et il se pourrait que... Que je sois l'un de ses... Copains ? »

Bastet, ma reine.

La question des chatons est résolue, il suffit donc désormais que je lui donne mon adresse pour qu'il soit satisfait, et pour cela, je me tourne en direction du quartier résidentiel, même si on ne le voit pas de là où nous sommes, et lui décris avec des gestes la forme de ma maison :

❝ Je vis pas très loin, là-bas. C'est une espèce de chalet, un peu vieux, il est facilement reconnaissable, avec son potager, au milieu des autres maisons en béton, pierres et tout. J'pense pas que tu te plantes si tu la vois. ❞

Concernant la chose qui me perturbait chez lui, il me donnait une réponse, une réponse qui m'interpellait et j'arquais un sourcil en attendant une suite avec plus d'explications, mais je ne pouvais pas rester silencieux bien longtemps en affirmant mon absence de connaissance en terme de divinités :

❝ Pardon ? Une déesse ? Des chats ? Ca existe ça ? j'vois pas en quoi je dois me sentir concerné, je suis un lémure. Les divinités sont des croyances purement humaines. ❞

Tout comme les religions, les divinités, à mes yeux, ne sont que légendes, alors me déclarer de but en blanc qu'il était poto avec la déesse des chats, pardonnez-moi, mais… j'avais le vague sentiment que soit il se foutait de ma gueule, soit il était complètement timbré. Mais d'un autre côté, c'était aussi une explication, bien qu'invraisemblable, à mon attirance à lui.

Je fais un vague geste de la main et me lève en prenant soin de garder les chatons dans le creux de mon tee-shirt pour les transporter ainsi sans trop les remuer pendant leur sommeil.

❝ J'ignore si je dois te croire. Mais quoi qu'il en soit, je t'apprécie quand même, alors tu peux venir les voir, si tu veux, tu seras le bienvenu à la maison. Au fait, j'm'appelle Aion. ❞

Il était temps que je me présente. Enfin, pour moi, c'était quelque chose d'inutile, tellement humain de se nommer. Chez nous, seule l'odeur nous identifiait. Quant à la description d'une personne à une autre, de toute façon, j'en appelais aux surnoms, incapable de mémoriser les noms véritables des personnes. Lui, c'est Catman.

Mon regard se déplace instantanément alors que le lynx se tourne vers une direction. Il y avait un quartier résidentiel plus loin, non ? Du coup, ça allait être plus simple de trouver l'endroit, parce que oui, la majorité du temps, je suis perdu.

« Hn... Je vois. »

Donc, un vieux chalet possédant un potager, entouré de bâtiments en pierre et tout ce qui vient avec ? Ouais, c'était difficile de se planter pour coup sûr. Je souris en coin en le voyant arquer un sourcil. Parler des dieux fait cet effet à beaucoup de gens, même aux lémures, c'est plutôt beau quand même. Ça donne un petit côté innocent que je me permets d'apprécier.   

« Tu as peut-être raison. » Ou pas, hein ?

La divinités avaient beau être dans la tête des humains, restait-il que l'un d'eux possède à présent mon corps et qu'elle, dans son cas, est capable de me contrôler si jamais cette envie vient à lui ronger l'esprit. Mon regard monte vers le ciel, à la recherche d'un nuage qui aurait une certaine forme. Oh, celui-là ressemble à... à rien, malheureusement.

Mes pupilles se repose contre mon interlocuteur. Oh, je suis apprécié ? C'est aimable de sa part. Je me redresse légèrement, posant mes mains contre mes cuisses tout en réfléchissant. Je serais le bienvenu chez lui ?.. Est-ce que ça veut dire que l'homme avec qui il vit m'acceptera aussi ?

« Enchanté Aion, moi c'est Alyx, mais je crois que je me suis déjà présenté. »

Je ne sais plus, mais ça ne fait jamais mal de le refaire une deuxième fois étant donné la situation. Après tout, j'aime bien me présenter et me faire connaître. Je soupire, me redressant une bonne fois pour toute, m'étirant pour me préparer à reprendre route.

« Sur ce, je vais te laisser. Je reviendrais bientôt pour voir comment grandissent les petits. »

Il vient caresser le crâne de l'un des chatons avant de réellement partir, saluant Aion d'une main.