Plongé dans mon exemplaire corné de Madame Bovary, j'avais à peine entendu mon portable vibrer. Remontant mes lunettes factices sur mon nez, j'avais tâtonné sur la table pour mettre la main sur l'engin sans quitter les passionnantes lignes. Ah, les scènes de fiacre. Un véritable délice, surtout tracées par la plume ironique de Flaubert. J'avais finalement ouvert le sms. Pour pousser un hurlement rageur tout à fait hors propos dans le silence d'une bibliothèque.

Cette espèce de poulpe citronné s'imaginait pouvoir me priver d'un jour de vacances ?! Okay boss. Mais je récupérerai ce jour et les intérêts.

Ce fut donc très mécontent que j'avais rangé mon ouvrage, quitté mon costume de gentil archiviste et récupéré mon manteau aussi blanc que mon âme était noire. J'avais foncé vers les Souterrains. Bon dieu, et dire que nous étions parvenus à protéger les secrets enfouis dans ces labyrinthes, il avait fallut que Mad m'envoie kidnapper encore plus de monde qu'auparavant. Et fatalement, cela avait attiré l'attention.

Je marchais avec une rage visible dans les couloirs. Si des gens se pointaient, il n'y avait pas des centaines de passages, en plus des officielles et secrètes qu'empruntaient les employés.

Ah. Une silhouette humaine.

« Vous ! aboyais-je. Vous n'avez strictement rien à faire dans cette zone ! Veuillez quitter immédiatement les lieux ! »

Je me plantais face à une jeune femme, les poings sur les hanches.

La balayant de haut en bas d'un regard brûlant de colère et d'ennui, je montrais les crocs. Autant en finir au plus vite, lui filer une bonne frousse et retourner à mon livre. Soudainement, je la dévisageais. J'avais déjà vu cette tête dans un fichier affilié aux études menées par MbM. Je n'avais pas prêté attention au dossier car il ne me concernait pas, et je le regrettais presque maintenant. Il me semblait qu'elle n'avait pas été traitée par le MbM mais elle était issue d'expériences similaires. Hnn.

« Ceci est une propriété privée, continuais-je avec humeur. Savez-vous ce que cela signifie, au moins ? »

Seigneur. Mais que se passait-il ? Mad va me tuer. Mais qu'es-ce que je fous, moi ? Je devrais juste les tuer et me débarrasser des corps. Et si l'une d'elles intéressait Mad ? Seigneur, mais que dois-je faire ?

Non seulement je n'étais pas parvenu à faire déguerpir celle qui me semblait abriter une âme divine, mais en plus une autre donzelle s'était ajoutée aux festivités. Autant dire que j'étais mal. Et en plus, j'étais seul. Pourtant, j'aurais parié que Mad avait bardé cet endroit de caméras... hum. Ce vieux poulpe dégénéré était certainement bien à l'abri dans un autre labo et se délectait du spectacle.

« Qu'est-ce que vous voulez ?! »

Je ne comprenais même pas comment j'avais pu me faire ainsi acculer contre le mur, face à ces deux demoiselles visiblement bien déterminées à... à je ne savais quoi. Je croisais les bras, dépité. Je ne comprenais absolument pas ce qu'ils e passait et le sms de Mad n'était que sybillin et dénué d'aide. Ramener les sujets d'expérience... ouais, et pourquoi pas me faire tatouer un cœur rose dans le dos, tant qu'on y était ? Il était marrant, le boss. Comment voulait-il qu'on retrouve ses cobayes ainsi, alors qu'ils étaient éparpillés un peu partout et qu'il était le seul à avoir les dossiers et les données des radars ?

« Je doute que ce que vous cherchez se situe en ces lieux, mesdemoiselles. Pourriez-vous donc me laisser travailler en paix ? »

J'ai fait au feeling, je peux modifier si besoin est x)

Elles étaient déterminées, ces deux donzelles, c'était le moins que l'on puisse dire. Déterminé à me montrer inflexible, je m'adossais au mur et croisais les bras, une moue profondément ennuyée collé au visage. Même si l'argent qu'elles tenaient en main m'incitait à me montrer prudent, je n'en restais pas moins campé sur mes positions : elles allaient devoir dégager et fissa fissa.

« Hey ma jolie, tu veux pas que je te raconte ma vie, tant qu'on y est ? »

Je poussais un soupir exagéré et louchais un instant sur la ceinture. Mon dieu, si elle se mettait en tête de s'en servir en guise de fouet, j'allais morfler. Et sévèrement. J'humectais mes lèvres sèches, songeant un instant à user de mes dons pour m'approcher de la demoiselle et la mordre, la mettre hors course. C'était bien trop dangereux, malheureusement. Et m'attaquer directement à l'autre... non, je n'étais pas si fou que ça. Je ne pu m'empêcher de déglutir plutôt violemment quand elle décida d'ajouter sa dose de poison dans l'air... en sortant un couteau. Hum. Quitte à mourir, j'hésitais encore quant à l'arme du crime la moins douloureuse.

Je l'écoutais me menacer, d'un air totalement indifférent. Je poussais même le vice à bailler.

« Ouh, je suis terrifié. Mourir ou servir, hein ? »

J'émis un ricanement moqueur et passais la main dans ma luxuriante chevelure rose, affichant peu à peu un visage plus sérieux.

« Très chères... ce laboratoire étudie simplement les fleurs de Terraria. Ce sont les seules choses retenues en otage, si je puis dire. A moins que vous ne soyez de ferventes défenderesses de la nature, ces études ne vous intéresseront pas. »

Et un gros p'tit mensonge pour la route. Effectivement, ce laboratoire étudiait ces fameuses fleurs éternelles... ainsi que les Hôtes. Quel mal cela leur ferait-il si je ne révélais pas tout ?

Par contre, quelque chose me turlupinait. Je devais l'avouer, je n'avais pas prêté grande attention aux multiples dossiers d'analyse et de conclusion que Mad m'avait envoyé, j'avais bien d'autres chats à fouetter. Mais il me semblait que ces fameuses fleurs avaient un lien avec ... Hum. J'avais là une occasion parfaite. J'esquissais un sourire un brin charmeur.

« Peut-être désireriez-vous visiter nos serres ? Je me ferais un plaisir de vous guider, à conditions que vous déguerpissiez ensuite. J'ai encore énormément de boulot, voyez-vous, et je n'ai pas de temps à perdre avec des fouineuses. »

Certes, elles étaient deux et armées d'argent, mais ça ne leur donnait guère le droit d'aboyer ainsi sur lui.

« Chérie, il faudrait que tu saches ce que tu veux, au final. Quand je réponds à tes questions, pourquoi t'entêter à me dire que je mens et ce, sans preuves. Ça ne me donne guère envie de continuer à t'aider. Et n'oublie pas... »

J'esquissais un sourire des plus carnassier, laissant apparaître un bout de croc pointu.

« Tu n'es qu'humaine et je suis un vampire. Blesse-moi et je me régénèrerai à ta jolie petite gorge blanche. »

J'étais très sérieux sur ce coup. Je ne prendrais pour rien au monde le risque de mordre une Hôte, j'ignorais parfaitement si son sang restait humain ou virait... toxique pour les vampires. Et je préfèrerais largement que Mad fasse d'abord des études sur ça avant de me lancer dans l'expérience.

Ma tête pivota vers l'Hôte au moment-même où celle-ci s'avançait. Je n'esquissais pas le moindre pas. Ce serait inutile de fuir. Et je n'étais pas lâche de nature. Mon dieu, quelle haleine. Si elle avait hérité de celle de sa divinité, ça ne m'étonnait pas... des millénaires sans se brosser les dents, ça ne pardonnait pas.

Mes yeux s'agrandirent sous la surprise et la douleur. La salope. Elle venait de planter son poignard dans ma main et je vis du coin de l’œil mon gant blanc se teinter de rouge. Je sifflais de douleur, alors que l'argent brûlait cruellement la chair dans laquelle il se prélassait. Putain de corps mi-vampire mi-humain.
Et en plus, elle s'amusait à tourner la lame. Je rejetais la tête en arrière, retenant la plainte de souffrance qui me brûlait la gorge.

« Déjà, si tu m'épingles au mur, je ne risque pas de pouvoir te conduire où que ce soit, ma grande. Et ne t'inquiète pas, si je perds ma main, je la remplacerai par la tienne, trésor. »

Je me saisit de son poignet, l'obligeant à cesser de tourner la lame et je fermais les yeux, avant de passer ma langue sur mes lèvres sèches. J'allais me montrer patient. J'allais lui faire plaisir et lui planter le couteau dans le dos, comme le disaient si bien les humains.

« Si quelqu'un vous a dit qu'on retenait des gens en otage ici, alors cette personne se trompe lourdement. Je ne suis pas assigné à ces manigances-là, moi je bosse sur ces putains de fleurs. Mais si tu veux vérifier par toi-même, je t'en prie, je t'offre la visite guidée. »

Un grand sourire carnassier étira mes lèvres tandis que j'activais mon pouvoir, stoppant l'écoulement de sang de ma main blessée et le modelant en une grosse pomme rouge qui se posa délicatement sur mon autre gant. Je m'amusais à la lancer en l'air une ou deux fois, marquant mon profond désintérêt pour cette histoire.

« Et ne viens surtout pas me hurler dans les oreilles que je te mens si tu ne prends même pas la peine de vérifier tes infos et ce que je te dis. »