Il leva lentement les yeux. Devant lui se tenait une maison. Sa maison.
Son ancienne maison. Elle n'était pas en ruine, la panneau "A VENDRE" placardé sur le mur de façade indiquait qu'elle n'était pas non plus abandonnée. Son regard allait d'un détail à l'autre. Rien n'avait vraiment changé, du peu dont il se rappelait. Les murs étaient toujours blancs, bien qu'un peu écaillés. Les volets étaient toujours fermés. Le jardin n'étaient toujours qu'un tas d'herbes folles. Une des fenêtres étaient fissurée, comme une toile d'araignée.
Tant de souvenirs lui revenaient en voyant cette vieille façade abîmée. La silhouette floue de son père le portant sur ses épaules. Sa mère heureuse qui arrosait ses hibiscus. Son frère qui lui courait après en riant.
Sa mère qui pleurait dans sa chambre. Son frère et lui qui la consolaient.
Sa mère qui leur criait dessus, qui les frappait, qui les brûlait, qui les noyait. Son frère et lui qui se cachaient pour lui échapper, qui essayaient de ne pas crier, qui souffraient.
Son frère qui dormait.
Et qui n'était pas destiné à se réveiller.De sa manche, il effaça les larmes qui embuaient ses yeux. Il ne voulait pas s'en rappeler. Ça faisait mal. Beaucoup trop mal. Très lentement, il se rapprocha de la porte d'entrée. Elle était fermée bien sûr. Et lui n'avait jamais possédé la clef. Il serra fortement celle qui pendait autour de son cou. Il l'avait volé il y avait des mois de cela à l'un de ses "pères". Celui-là avait déclaré qu'il s'agissait d'un passe-partout, une clef capable d'ouvrir toutes les serrures. Désormais devant cette porte close, il espérait que c'était vrai.
Pourquoi voulait-il entrer dans cette maison ? N'était-elle pas pleines de mauvais souvenirs ? Il ne savait pas pourquoi. Quelque chose l'y poussait simplement. Il s'était rappelé qu'elle était là et avant de s'en rendre compte, il était devant le portail.
Peut-être parce qu'il avait promit de revenir.Il y eut un "clic" et la porte pivota légèrement sur ses gonds. Intimidé, il entra. Ses pas laissaient des traces nettes dans l'épaisses couche de poussière qui tapissait le sol. Soudain, il ne savait plus où aller. Il restait dans le couloir, incapable d'entrer dans l'une ou l'autre des pièces. Tout était vide. Irrémédiablement vide. Il ne reconnu le salon qu'à sa cheminée. Disparus le canapé, le fauteuil et la table basse. Disparus la table à manger, la bibliothèque et la télévision. Ne restait que la poussière.
Et il en était ainsi de toutes les pièces. Il les visita l'une après l'autre, en évitant une particulièrement.
La cuisine. Elle était l'ultime preuve de la mort de son frère, l'ultime preuve de sa faiblesse, de son incapacité à protéger sa moitié. Pourtant, si la tête criait non, c'était sur le pas de cette pièce que ses jambes l'avaient menées.
Là aussi, tout n'était que vide et poussière. Il faisait exactement le même chemin que trois années auparavant. Les petites taches de sang avaient disparues, ses traces de pas ensanglantées aussi, pourtant il savait jusqu'où avancer, quand tourner. Il le suivait de nouveau mais cette fois, il n'y avait personne au bout du chemin. Son frère n'était pas là. La mare de sang qu'il avait laissé avait disparue également. Pourtant il le savait aux tâches rouges sur le mur blanc.
C'était là.Tout comme il y avait trois ans, il alla s’asseoir contre ce même mur. Et il pleura. Il pleura comme il avait déjà pleuré la mort de son frère avant. Beaucoup. Longtemps. Jusqu'à ce que l'épuisement ne le fasse s'assoupir.
"...ian..."Il fut réveillé plusieurs heures après, par cette impression que quelqu'un l'appelait.
"...Lilian..."Pourtant, même réveillé, il entendait toujours cette voix. Une voix qu'il connaissait.
"Lilian !"Il ouvrit brutalement les yeux, ébahi. Il ouvrit brutalement les yeux, tombant sur un visage identique à celui qu'il avait eut trois années auparavant. Sa bouche s'ouvrit sans qu'aucun son n'en sorte. Il rêvait, c'était la seule chose à laquelle il pensait.
"Tu te réveilles enfin Lilian !"Cette phrase entra par son oreille gauche et ressortit aussitôt par son oreille droite. C'était avec les yeux et la bouches grands ouverts qu'il fixait la personne devant lui. Steafan. Son frère. Exactement pareil que la dernière fois qu'il l'avait vu, comme si le temps n'avait pas eut d'emprise sur lui.
"Lilian ? Lilian ? Liliaaaaaaan !! Eho !"Son frère passa une main devant son visage, le réveillant de sa torpeur. Un cri lui échappa tandis qu'il s'éloignait aussi loin qu'il le pouvait de son frère. Était-ce seulement son frère ? Il était mort.
Mort. Il y avait trois ans de cela. Même s'il ne le savait pas à ce moment-là, il avait veillé son cadavre durant plusieurs heures. Il l'avait vu être enterré. Son frère ne pouvait pas être devant lui. Et pourtant...
"St..Steafan...?"Son frère lui sourit chaleureusement. Un sourire comme il ne se souvenait pas lui en avoir vu.
"En-fin ! J’ai failli croire que tu ne te souvenais pas de moi !""Mais Steafan…tu… Tue s mort…il y a trois ans. Tu ne peux pas être…là !"Le sourire de son frère se fana et il s’en voulu. Mais il était incapable de croire, d’accepter ce qu’il voyait, peu importe à quel point il le voulait.
"Ah… Alors ça fait trois ans. Je me disais bien que tu avais vieilli !"Il le regardait sans comprendre. Il ne comprenait absolument rien à ce qu’il se passait. Il n’arrivait même plus à parler. Il devait l’interroger, lui poser des questions, mais il n’y arrivait pas. Il ne pouvait que regarder son frère le rejoindre et s’accroupir face à lui, leurs genoux se touchant presque.
"C’est compliqué et bizarre mais…je suis vraiment mort Lilian. Regarde."Son frère tendit sa main vers lui, la collant presque à son visage. A sa grande surprise, il pouvait distinguer son visage à travers. Pas totalement. Pas nettement. Mais il pouvait le voir.
"Tu es…""Un fantôme ! T’as vu ça ? C’est génial ! Je peux traverse les murs et puis aussi… !"Il cessa de l’écouter. Un fantôme. Son frère était devenu un fantôme. Rien qu’un fantôme. Pendant un instant, il avait espéré, s’était dit que peut-être…mais non. Son frère était
juste un fantôme. Ca faisait mal. Même si sa peine s’était en quelque sort allégée, il avait mal.
"Tu es vraiment mort…"Son frère se calma en un instant, son sourire enjoué disparu tout aussi vite.
"Je suis désolé.""Ce n’est pas de ta faute. Comment…""…je suis devenu un fantôme ?"Il hocha la tête.
"J’en sais rien. Je me suis réveillé comme ça après que maman ait…enfin voila.""C’est tout ?""Je crois. Ah… peut-être que…""Peut-être que…?""Y a des gens qui sont venus chercher mon…corps. Et j’ai eut l’impression que je devais aller avec eux. C’est peut-être à cause de ça.""Tu n’y es pas allé ?""Non.""Pourquoi ?""Parce que…parce que… J’avais peur. C’était la première fois que j’étais tout seul, ça faisait peur. Je savais pas qui étaient ces gens et où ils allaient m’emmener et ça faisait peur. Et tu avais dis que tu allais revenir alors je devais t’attendre. Mais t’es pas revenu…"Il baissa la tête, coupable.
"Je suis désolé.""Ce n’est pas grave. Tu es là maintenant, c’est tout ce qui compte !""Mais Steafan…je ne peux pas rester ici avec toi. Ce n’est pas possible…""Dans ce cas, c’est moi qui ira avec toi !""Hein ?"Il le regarda sans comprendre. Venir avec lui ? Comment ? Un fantôme, c’était pas censé hanter les maisons ou les cimetières ? C’était bloqué à l’endroit où il était mort non ? Est-ce que ça pouvait au moins se déplacer ? Comment allait-il venir avec lui ? Son frère lui sourit avec confiance.
"Ne t’inquiètes pas. A partir de maintenant, on sera ensemble pour toujours !"Il était bien une fois
Deux enfants devenus un.
Ils avaient enfin le droit
De se tenir par la main.
Le premier devenu âme
Parti avec son frère.
En réalité, là était un drame
Car le second allait déplaire.
Il pouvait voir d'autres fantômes,
D'autres âmes abandonnées
De femmes, d'enfants et d'hommes,
Etant lui-même hanté.
Ils rejetaient ce qui était différent.
Parce qu'il parlait dans le vide
A leurs yeux, leurs mots méchants,
Leurs phrases et remarques perfides
Allaient de plus en plus en l'isolant.
"Lilian ! Lilian ! Lilian, où es-tu ?!"Caché derrière un cactus, il attendait calmement que son nouveau père ne s'éloigne. A côté de lui, son frère s'amusait comme un fou en courant après un papillon, passant au travers immanquablement. Lorsqu'enfin l'adulte se fut éloigné, il sortit de sa cachette et prit la direction opposée à sa maison, son frère sur les talons. Mais ce n'était pas comme s'il pouvait le semer. Son frère était scotché à son corps. Il ne pouvait que le suivre, qu'il le veuille ou non.
"Liliaaaaaan ! Je jouais avec le papillon !"
"Désolé. Mais il y aura plein d'autres papillons là où on va."
"C'est vrai ??"Il hocha la tête. Derrière lui, son frère sautillait de joie en poussant de petits cris. Il sourit. Avec le temps passé avec son frère retrouvé, même sous la forme d'un fantôme, il avait découvert un Steafan très différent de celui qu'il avait connu sous le joue de leur mère. En réalité, il avait retrouvé son frère tel qu'il était avant le départ de leur père.
Son frère était expressif. Plus que lui. Beaucoup plus que lui.Il s’émerveillait pour un rien. Contrairement à lui, il ne savait rien du monde, il était resté enfermé dans la maison de leur enfance. C’était à lui de lui apprendre et il s’en amusait. Il n’y avait qu’une chose, une seule, qui le peinait dans ses retrouvailles avec son jumeau. Du fait de sa mort, Steafan resterait pour toujours le fantôme d’un enfant de neuf ans. Mais lui, il vieillirait. Il deviendrait adolescent. Adulte. Vieillard. Son frère resterait enfant. Ca lui donnait l’impression qu’ils n’étaient plus jumeaux, contrairement à ce que son frère lui affirmait.
Aussi silencieusement qu’une ombre, il évoluait dans les rues de la belle Kalel. Cette ville le fascinait. Il y avait déjà vécu plusieurs fois. C’était ici qu’il avait apprit les chaleurs étouffantes et la douceur du sable sous ses pieds. Lui qui avait grandit dans une maison fermée et obscure avait découvert ici la lumière d’un ciel qu’aucun nuage n’entrave. Il avait été fasciné de voir que le désert, si brûlant sous le soleil, pouvait geler une fois la nuit venue.
Les capitales étaient immenses. Idéale pour qu’un enfant s’y perde. Ou s’y cache. Il n’aimait pas trop les grandes rues et les grandes places. Ses parents adoptifs pouvaient facilement l’y retrouver malgré la foule. Lui préférait les petites rues. Celles que la foule n’atteint pas sans pour autant être déserte.
C’étaient celles-là qu’il empruntait pour s’éloigner encore et encore de sa maison. C’était au travers de ce dédale labyrinthique qu’il fuguait. Il se perdait rarement. Il faisait attention à son environnement et avait une bonne mémoire. Il connaissait les grands axes de la ville et la route à parcourir à partir de ceux-ci. Dans le pire des cas, il lui suffirait de demander son chemin à quelqu’un.
Il stoppa sa marche devant un squatte. Il ne lui disait rien. Avait-il été construit récemment ? Ou s’était-il aventuré dans un quartier qu’il n’avait jamais visité ? Possible. Qui était-il, du haut de ses 13 ans, pour prétendre connaître la capitale par cœur ?
Il avisa à quelques mètres de lui une petite mare. Bordée de buissons en fleur. Où virevoltaient des papillons.
"Papillooooooooon !! On s’arrête là hein Lilian ?! Hein ? Hein ?"
"D’accord."
"Ouaiiiiiiis !"Ils allèrent tous les deux près des buissons, lui s’asseyant par terre, son frère courant de nouveau après les insectes colorés. Il n’y avait pas beaucoup de monde dans le squatte. Il faisait encore trop chaud pour que les parents emmènent leurs enfants jouer.
Il regardait simplement son frère s’amuser. Etant mort, la chaleur, le froid, ces choses-là ne l’atteignaient pas. Lui était encore vivant et restait simplement à l’ombre.
"Dis Steafan. Pourquoi tu leur cours après alors que tu ne peux pas les toucher ou les attraper ?"Demanda-t-il en regardant un papillon traverser le corps translucide de son frère.
"Parce que c’est drôle !"
"Tu es bizarre…"
"Même pas vrai !"Il ne releva pas le tirage de langue que le fantôme lui adressa. Il se contenta simplement de le regarder jusqu’à ce qu’il sente quelqu’un s’assoir à côté de lui. A droite. Dans son angle mort. Tournant totalement la tête, il tomba sur un enfant. Un garçon un peu plus jeune que lui. Celui-ci le regardait avec curiosité.
"A qui tu parles ?"Il aurait du s’en douter. Les autres ne voyaient pas ni n’entendaient son frère. Il était le seul. Alors à chaque fois qu’il parlait avec son frère, on lui disait d’arrêter de parler tout seul ou dans le vide. On le prenait pour un fou.
"A mon frère."
"Ah bon ?"
"Oui."
"Il est où ?"
"…Là-bas. Il court après les papillons."
"…Ah ? Il est cool ? Tu m’le présentes ?"Il le regarda, passablement surpris. C’était bien la première fois que quelqu’un ne se moquait pas de lui ou ne le remballait pas en disant qu’il n’y avait personne là-bas, qu’il avait juste un ami imaginaire et qu’à son âge, il ferait mieux d’arrêter d’en avoir. Il ne savait pas vraiment quoi penser. Le croyait-il ? Faisait-il juste semblant ? Le prenait-il en pitié ou se moquait-il de lui ? Il fit glisser son regard vers l’âme de son jumeau. Puis de nouveau vers le garçon inconnu. Il hocha lentement la tête.
"Oui. Il est très gentil et…gamin. Steafan !"Il appela doucement son frère, le détournant de sa chasse aux papillons. Celui-ci le regarda curieusement mais vint sans poser de question quand il lui fit signe. Le fantôme s’assit près d’eux. Il montra simplement ce qui pour l’autre garçon devait être un espace vide.
"Voici Steafan. Mon frère jumeau. Il est mort il y a quatre ans alors maintenant c’est un fantôme… Moi je m’appelle Lilian. Et toi ?"Il se serrait attendu à une moquerie. Mais l'enfant lui sourit simplement, visiblement content.
"Nathanaël. Enchanté, Lilian, Steafan.""Nathanaquoi ?""Nathanaël Stea. Nathanaël.""...C'est trop long ! Je vais l'appeler...mmh...Nathou ! Voila. A partir de maintenant tu es Nathou. Nathou. Nathou. Nathou."Il regardait bêtement son frère tourner autour du garçon en répétant inlassablement le surnom. Bien. D'une certaine manière, heureusement qu'il était le seul à le voir.
"Je crois...qu'il t'aime bien. Il a décidé de t'appeler Nathou...""....Naaa...thou ? Nathou ?"Il vit l'autre enfant hausser les épaules et lui sourire. Un grand, trèèèès grand sourire. Il ne semblait pas le prendre mal.
"Ça me va, Steaf -c'est ça ? Je suis sûr qu'on va s'entendre ! Alors, hmm... Ça te-vous dit d'être mes amis ?"Le garçon avait bloqué. Il l'avait entendu. Mais il ne releva pas. Ne dit rien. Il ne le croyait sans doute pas. Il ne lui en voulu pas. Au moins faisait-il semblant d'y croire un peu. Autour du nouvellement nommé Nathou, il voyait son frère s'agiter plus que jamais, visiblement très heureux.
"Oh oui, oh oui ! Un ami. Lilian, on va avoir un ami. Notre premier ami !!"Il hocha doucement la tête.
"D'accord. Ça nous va. Mais tu...es notre premier ami alors...je ne sais pas trop comment agir..."Il rougit, gêné. Incroyablement intimidé devant cet enfant plus jeune que lui. Mais celui-ci continuait de sourire.
"Bah t'sais quoi ? On est trois !"Il était bien une fois
Un garçon qui se fit un ami.
C’était le premier, la première fois
Que quelqu’un l’acceptait et voulait de lui.
Cela aurait du être éphémère,
Une amitié que brise la distance.
Il s’avéra qu’ils gardèrent
Leurs lettres respectives en un tas immense.
Le garçon et son fantôme de frère
Continuaient d’errer sans fin
A la recherche d’une famille à refaire,
D’un endroit où rester enfin.
Il arrive parfois que la vie
Sourit aux malheureux.
Voila que de nulle part sortie
Une grand-mère qui voulait d’eux,
Par laquelle il serait chérit.
"Bienvenue chez toi, Lilian."Intimidé, il pénétra lentement dans l’appartement. C’était lumineux, chaleureux. Et haut. Par une fenêtre, il pouvait apercevoir tout Marina. Il était haut, cet appartement. A petits pas, il explorait les différentes pièces, lorgnant sur les objets étranges qui trainaient de ci de là.
"Ce n’est pas très grand par rapport à ce que tu as du connaître jusque là, mais c’est bien suffisant pour nous deux !"Son regard unique dériva sur celle qui lui parlait. Une femme plutôt petite, dont le visage se creusait peu à peu de rides. Pourtant il la trouvait belle, à la regarder sourire et s’agiter dans tous les sens. Elle lui faisait penser à son frère. Qui était d’ailleurs occupé à…faire exactement la même chose.
Il s’en détourna et rejoignit la vieille femme qui se démenait avec ses affaires. Il se saisit d’un des sacs et la suivit jusqu’à une pièce vide.
"Ta chambre est ici. Ou plutôt sera. One ne peut pas dire que ça ressemble à une chambre actuellement. En attendant que tout s’installe, tu dormiras dans ma chambre. J’irais dans le salon.""Je préfèrerais que ce soit moi qui dorme dans le salon.""Tu es sûr ? Ca ne me gène pas tu sais.""Oui. J’ai l’habitude. Et c’est ma chambre qui est inutilisable, alors c’est à moi de dormir sur le canapé.""…Je vois. Je ne vais insister dans ce cas."Et elle repartie chercher un autre sac. Lui déposa le sien dans un coin puis s’arrêta sur le palier de la chambre. Il observa un instant la femme avant de se décider.
"Madame… Vous êtes vraiment no-…ma grand-mère ?""Tout d’abord, tutoies-moi Lilian. Ensuite, oui. Je suis vraiment ta grand-mère, ainsi que celle de ton frère. Je suis la maman de ton abruti de père.""…Pourquoi abruti ?""Pour beaucoup de chose, crois-moi. Ce serait trop long de te faire une liste de toutes les raisons. Mais ce qui vous ai arrivé, à toi et Steafan, en est déjà une bien suffisante.""J’ai un grand-père ?""Tu en avais un. Mais il est mort, paix à son âme !"Un instant, il se demanda s’il pourrait la rencontrer, cette âme. Celle de son grand-père. Mais il chassa l’idée. Une seule âme pour le hanter suffisait, pas besoin d’une seconde. Sans oublier toutes les âmes errantes qu’il croisait quotidiennement. Non. Il n’allait pas en plus se mettre à les chercher.
Alors qu’il transportait un nouveau sac dans sa (futur) chambre, il aperçu de nouveau les étranges objets qui décoraient l’appartement. Ils l’intriguaient. Il n’en avait jamais vu de comme ça dans les précédentes maisons qu’il avait habité.
"Grand-m-""Ah non !!"Il sursauta.
"Je refuse catégoriquement d’être appelée grand-mère. Ca fait petite vieille toute rabougrie ! Je suis encore jeune moi ! Appelle-moi comme tu veux, mami, mémé, mamé, malou, manou, mina ou autre. Mais PAS grand-mère !""...D'accord..."C'est qu'elle faisait peur sa grand-m-...sa...euh...mami...
"Mami...Qu'est-ce que c'est ?"Demanda-t-il en pointant du doigt divers objets accrochés au mur. Sa grand-mère le rejoignit pour voir ce dont il parlait.
"Oh ! Ça ? Ce sont des objets spirituels. Des charmes de protection contre les mauvais esprits, des outils utilisés au cours de cérémonies religieuses ou spirituelles.""Pourquoi tu as tout ça ?""Mmh...Eh bien, certains sont de simples souvenirs. Et il y en a d'autres que j'utilise pour mon travail.""Ton travail ? Tu fais quoi ?""Je suis voyante.""Ça veut dire quoi ?""Eh bien tu vois, une voyante, c'est quelqu'un qui peut lire le passé et l'avenir d'autres personnes. C'est aussi une personne proche des esprits."Il la vit s'agenouiller devant lui et lui caresser doucement les cheveux.
"Je te crois Lilian, quand tu dis que Steafan est devenu un fantôme, quand tu dis qu'il est là, avec toi, quand tu dis que tu lui parles. Je te crois."Il la regardait sans trop y croire. Est-ce que c'était vrai ? Elle le croyait vraiment ? Ou alors c'était encore un mensonge ? Il le savait, les adultes mentaient beaucoup. Pourtant, il voulait y croire. Il voulait être cru, qu'on cesse de le traiter de menteur ou de fou.
"Tu peux...le voir ?""Non. Malheureusement non. J'aurais bien aimé, mais je ne peux pas. Ma force spirituelle n'est pas assez puissante.""Ta force quoi ?""Ma force spirituelle. C'est ce qui me permet de lire l'avenir et le passé des personnes. C'est aussi ce qui te permet de voir les âmes. Ta force spirituelle est beaucoup plus puissante que la mienne, c'est pour ça que tu peux voir et communiquer avec les esprits et moi pas."Il la regardait, peu convaincu. Mais il ne dit rien. Il réfléchissait. Sa grand-mère resta avec lui un instant avant de retourner s'occuper des sacs. Sa chambre n'allait pas se faire toute seule. Lui restait là, à observer les masques et les attrape-rêves pensivement. Il ne sortit de sa contemplation qu'à l'entente d'un rire qu'il connaissait bien maintenant. En regardant son frère, une question lui traversa l'esprit. Si sa force spirituelle était si puissante...
Pourquoi ne voyait-il les morts que depuis ses retrouvailles avec son frère ?Il était bien une fois
Un adolescent qui voyait les morts.
Ce n'était pas toujours la joie
De les voir encore et encore et encore.
Il ne s'en plaignait pourtant pas,
Heureux de voir une âme en particulier.
Il ignorait encore que tout ça
Arrivait parce qu'il était hanté.
L'adolescent était plutôt heureux,
Excepté un certain inconvénient :
Le fait que ces morts peu respectueux
Viennent le posséder impunément.
A chaque qualité son défaut.
A chaque avantage son incommodité.
Il n'est jamais trop tôt
Pour apprendre à accepter
De vivre avec ces infernaux.
Il soupira. Quoi que "soupire" était un bien grand mot. Soupirer était un acte, une action physique. Donc difficilement réalisable en l'absence de corps. Or, s'il avait bel et bien un corps, contrairement à son frère, il n'en n'avait actuellement pas le contrôle. Et cette pensée le fit de nouveau soupirer. Mentalement. Puisqu'il ne pouvait faire autrement.
Il pensa à sa situation. Il s'était fait posséder. Une fois de plus. Il soupira. Une fois de plus. Il soupirait beaucoup. Mais c'était à peu près tout ce qu'il pouvait faire dans sa situation actuelle.
Comment était-ce arrivé ? Comment avait-il pu se faire avoir
une fois de plus ? Devait-il accuser sa faiblesse ? Sa trop grande gentillesse ? Non. Pas cette fois. Cette possession était une possession non consentie. Comme la majeur partie d'entre elles en fait. Quoique ces derniers temps, il avait plus ou moins apprit à les chasser de son corps alors il y en avait un peu moins. Mais elles restaient nombreuses.
Avait-il baissé sa garde ? Avait-il eut un moment d'inattention dont cette âme avait profité pour lui voler provisoirement son corps ? Peut-être bien. Sans doute. Du reste, le quand n'avait pas d'importance pour lui. Il s'était fait posséder. Point.
Il soupira. Il en avait marre de voir son corps s'agiter par la volonté d'un ou d'une autre. Il avait demandé de l'aide à sa grand-mère. Avec tous les grigris qu'elle avait, elle pouvait bien faire quelque chose. Quelque chose pour que cela cesse. Ou au moins diminue grandement. Travailler et renforcer ses barrières mentales qu'elle avait répondue. Lui il voulait bien. Il s'y était entraîné, il avait travaillé. Mais fort était de constater que ça ne suffisait pas. Loin de là.
Il regarda au travers de son œil voyant qui bougeait au gré de la volonté de l'âme parasite. Il avait une certaine chance cette fois-ci. L'âme ne l'utilisait que pour écrire une lettre. Ce n'était pas si dérangeant. Il n'aurait qu'à supporter l'importante fatigue qui lui tomberait dessus quand le fantôme repartirait. Il en avait connu des biens plus dérangeant. Ceux qui voulaient parler de vive voix avec leurs proches par exemple. En oubliant totalement que le corps qu'ils empruntaient était celui d'un total inconnu. En résultait pour le mort un vent magistral de la part de sa famille et de ses amis, et pour lui le fait que l'on le prenne pour un fou.
Aussi était-il heureux de voir que celui-ci se contentait d'écrire une lettre. Et peut-être la poster lui-même. Ça lui allait. Il ne râlerait pas.
Il se détourna de la lettre. Elle ne le concernait pas. Elle ne l'intéressait pas. Il n'aimait pas être intrusif, se mêler de la vie d'autres personnes. Sans doute parce qu'il le subissait lui-même très régulièrement. Il soupira. Vivement que ça se finisse, qu'il reprenne le contrôle de son corps.
La première fois que ça lui était arrivé, ça avait été son frère. Steafan avait toujours refusé de lui dire comment il faisait, bien que la première relevait d'un bête accident. Son frère le possédait souvent, même si lui au moins demandait toujours la permission. Bien qu'il était totalement incapable de lui dire non.
Enfin, son frère avait été le premier fantôme à lui piquer son corps. C'était une sensation peu agréable. En particulier les premières fois. Maintenant, il s'était habitué. La possession, c'était quelque chose qui vous tombait dessus comme une enclume. Il tombait dans un était de semi-conscience qui ne durait qu'un temps avant qu'il ne sente son corps échapper à son contrôle, bouger sans qu'il le lui ordonne tandis qu'une autre conscience écrasait la sienne, la reléguant au loin. Puis quand l'âme repartait, c'était un choc sourd, comme de tomber d'une chaise de tout son poids. Il se retrouvait toujours dans un état de fatigue important après une possession forcée, et parfois même son corps était douloureux. Chose qui n'arrivait pas lorsqu'il
acceptait de prêter son enveloppe corporelle.
Sa grand-mère lui avait dit que c'était probablement parce que son corps ressentait l'intrusion et essayait de s'en défendre, d'éjecter le parasite. Peut-être que c'était vrai. Peut-être que c'était faux. Il n'avait pas moyen de le savoir.
Il n'avait jamais été possédé par un fantôme avant que son frère ne trouve drôle d'essayer. Et après, ça n'avait plus cessé. C'était comme si son frère avait ouvert en grand une porte jusque là demeuré fermée. Et lui ne désirait qu'une chose, savoir comment la refermer.
Il sentit son corps cesser d'écrire et quitter la chaise sur laquelle il était resté assit. Quittant ses réflexions, il s'intéressa à ce qui se passait autour de lui. La lettre était terminée et cachetée. L'adresse était à sa place, mais pas de timbre. Et maintenant ? Pensa-t-il peu de temps avant que la pression exercée sur son esprit et sa volonté ne se lève peu à peu jusqu'à disparaître. Petit à petit, il reprit le contrôle de son corps. Le fantôme avait déserté. Et lui se retrouvait comme une loque, à peine capable de marcher à cause de la fatigue.
Péniblement, il se traîna jusqu'au canapé où il s'effondra lourdement. Derrière lui il pouvait entendre son frère engueuler son ex-parasite. Ainsi, il ne s'était pas fait la malle comme la majorité des autres esprits.
Dans son champ de vision apparu finalement le fameux fantôme. Un adolescent. Plus vieux que lui. Presque adulte. Gêné. Hésitant. Désolé. Demandeur. Il le voyait ouvrir et fermer la bouche sans jamais rien dire. Il soupira. Il pouvait bien le faire maintenant.
Qu'est-ce qu'il y a encore ?"Demanda-t-il avec lassitude. Il était fatigué. Il voulait dormir. Le fantôme hésité un dernier instant.
"Je suis désolé. Pour avoir prit ton corps. Mais j'en avais vraiment besoin, je..."Il ne trouvait plus ses mots
"Tu aurais simplement du demander."Le jeune adulte ne dit rien mais ses joues devinrent rouges. Sérieusement, comment un mort, une âme,
un esprit pouvait-il rougir ? Il n'en savait rien et n'avait pas la tête à chercher la réponse.
"Et donc ? Qu'est-ce qu'il y a encore ?""Eh bien... Est-ce que tu pourrais l'emmener à l'adresse indiquée pour moi ?"Il avisa la lettre. La livrer ? Il aurait bien put le faire lui-même en le possédant. Et à la place il lui demandait de le faire pour lui ? Sans blague ? Oh non. Il était trop fatigué. Et même quand il irait mieux, pourquoi y aller ? Ça ne le concernait pas. Il devrait même le lui faire payer. Ne pas aller la poster pour lui faire comprendre que personne ne le possédait impunément. Non mais !
"D'accord. J'irais demain."Il était trop gentil.
Il était bien un fois
Un adolescent trop gentil.
Peu importait le nombre de fois,
Il était toujours celui
Qui se faisait avoir.
Incapable de refuser,
Il fallait bien voir
Tous les problèmes qu'il s'attirait.
Désormais heureux, pourtant
Il lui restait la peur/
Cachée profondément,
Elle attendait son heure.
Vestige du passé
Comment autant de phobies,
Lui restait à se manifester,
A infiltrer sa vie
Et l'empoisonner.
"Qu'est-ce j'ai fait...?"Ce n'était qu'une phrase soufflée du bout des lèvres, tremblante de la peur de briser le silence. Ce n'était qu'une phrase soufflée par un jeune homme à genoux au milieu d'une pièce. Ce n'était qu'une phrase soufflée puis balayée par le claquement d'une porte et un cri.
"Lilian ! Est-ce que ça va, Lilian ?!"C'était comme avant et pourtant si différent. Il avait peur. La même peur qu'à l'époque, qu'avant. La même peur paralysante. Une femme lui criait dessus, comme avant. Une femme criait son nom, l'appelant, comme avant.
Si semblable. Mais il n'y avait pas de haine dans cette voix. Pas de colère. Rien qui ne laissait présager la violence. Juste de l'inquiétude. Beaucoup d'inquiétude.
Si différent.Il releva la tête. La femme devant lui n'était pas sa mère. Non non. Ce n'était pas sa mère. Sa mère n'était pas blonde. Sa mère n'avait pas les yeux verts. Sa mère n'était pas si petite. Sa mère n'avait pas tant de rides sur le visage.
"Ma...mi...?""Lilian ! Ça va ? Tu n'as rien ? Tu n'es pas blessé ? Qu'est-ce qui s'est passé ici ?"Ce qu'il s'était passé ? Ah c'est vrai... Ce qu'il s'était passé... Des flashs lui revenaient. Il était rentré dans une rage folle, incontrôlée, sans qu'il ne puisse se rappeler du pourquoi. C'était comme s'il n'était plus lui-même, comme si quelqu'un d'autre était là et le manipulait. Pourtant il était certain qu'aucune âme ne l'avait possédée. C'était lui et lui seul qui avait agit. Sans réfléchir. Sans pouvoir faire la différence entre ce qui était bien et ce qui était mal. Sans pouvoir ressentir autre chose qu'une sourde colère. Aveuglante.
Il avait crié. Il en avait mal à la gorge. Il avait tout renversé, frappé ce qu'il avait trouvé. Il était seul. Aucun humain. Que du matériel. Ses bras en étaient engourdis. Il regarda la pièce dans laquelle il se trouvait. Était-ce encore une pièce ? Une table éclatée sur le sol. Ses chaises en plus mauvais état encore. Le sol recouvert de papier, d'éclats de verre, de porcelaine et de bois, des objets en un ou plusieurs morceaux. Il connaissait ce paysage. Ce bordel d'objets détruis.
C'était celui qui suivait les colère de sa mère.
Mais son auteur, ce n'était pas sa mère. C'était lui. Lui seul. Il avait provoqué la même destruction que sa mère. Il était entré dans la même rage que sa mère. Il se figea. Ses souvenirs se mélangeaient. Images de sa mère. Images de lui-même. Se mélangeant et se confondant. Il avait agit comme sa mère.
Il devenait comme elle.Ses mains se serraient, devenant blanches. Mais il ne sentait rien. Il essayait de ne pas y penser. De ne pas faire de rapprochement. De nier. Il n'était pas comme elle. Il ne l'était pas. Ne l'avait jamais été. Ne le serait jamais. N'est-ce pas ?
"Lilian ? Qu'est-ce qui se passe ? Explique-moi !"Il sortit de ses pensées. De sa peur. Un instant. Il regarda sa grand-mère, plus inquiète pour lui que ne l'avait jamais été sa mère. Un mouvement. Il rencontra ses yeux. Pleins de peur. Comme les siens propres. Mais elle n'avait pas peur pour elle. Elle n'avait pas peur de lui. Elle avait peur
pour lui. Lui avait peur de lui-même. Peur de ce qu'il pourrait lui faire.
Peur de ce qu'il devenait.
Il sourit doucement avant d'enlacer la vieille femme.
"Ce n'est rien. Juste...juste de vilains fantômes. Les monstres qui se cachaient sous le lit ont décidés de venir se moquer de moi et m'embêter. Ce n'est rien. Ne t'inquiète pas. Je suis courageux, je ne les laisserais pas faire."Il parlait comme un enfant. Il parlait comme à un enfant. Il savait qu'elle ne comprenait pas. Personne ne pouvait comprendre. Personne. Sauf son frère. Parce qu'ils l'avaient vécus ensemble, son frère savait. Comprenait. Il le regarda. Ils se sourirent.
Il ne deviendrait pas comme leur mère.Il était bien une fois
De nombreuses peurs qui hantaient
Un enfant et un adulte à la fois.
Des peurs qu'ils n'imaginaient.
Oubliez donc les phobies,
Celle-ci était bien pire.
Elle deviendrait leur pire ennemie,
Celle qu'ils ne pourraient fuir.
Les fantômes du passé
Ne disparaissent jamais vraiment.
Ils reviennent nous hanter
Toujours au bon moment.
Mais il y a d'autres vérités
Toutes aussi surprenantes
Dont on a pas osé
Penser qu'elles étaient existantes.
Leur révélation pourrait choquer.
"Lilian... Il y a quelque chose que je dois t'avouer."Il releva la tête du livre qu'il lisait, regardant son ami avec un étonnant plus que visible. Même Steafan avait arrêté de voleter autour du brun, c'était dire que la situation était grave. Non mais, c'était
quoi cette phrase d'introduction ? Pourquoi sentait-il la merde arriver à vive allure ?
"Nathanaël... Si tu m'annonces que tu m'aimes, je te tue."Annonça-t-il avec tout le sérieux du monde. Même s'il était évident qu'il ne lèverai jamais la main sur son meilleur ami. Heureusement, le fou rire dans lequel celui-ci partit l'informa que non, il n'allait pas entendre une confession. Même s'il devait avouer qu'il n'y croyait pas dés le début. Mais une telle entrée en matière...il ne lui tendait pas la perche, il la lui refilait carrément.
"Et donc ? Tu voulais m'avouer quelque chose ?"Brutalement, comme s'il n'avait jamais commencé, le fou rire s'arrêta. Ce fut à son tour de rire devant ce changement aussi brutal qu'inattendu. Surprenant et amusant. Son ami prit un visage sérieux. Très sérieux. Presque solennel. Chose qui n'arrivait pratiquement jamais. Et la révélation tomba.
"Je suis un vampire."Il lui avoua comme ça. Cash. Sans transissions. Aussi lourdement qu'une enclume tombant au sol. Il le regarda, le dévisagea, scrutant son visage et ses yeux à la recherche du moindre mensonge, de la moindre plaisanterie, comme tant d'autres qu'il lui avait faite. Un vampire. Genre les trucs qui buvaient du sang, étaient allergique à l'ail et aux pieux et qui fondaient au soleil ? Bon, peut-être qu'ils fondaient pas au sol vu les 45 degrés Celsius que son ami se prenait sur la gueule. Mais quand même.
Il s'attendait à un revirement, à ce que son ami éclate de rire et se foute de sa tronche d'un moment à l'autre. Mais les minutes passaient et rien ne se passait. Nathan gardait un visage irrémédiablement sérieux. Donc, c'était vrai...?
"Ah. Je vois. C'est bien."Et il retourna lire son livre. Il était très pragmatique.
"Mais ! Mais ! Mais ! Je viens de t'annoncer que j'étais un vampire ! Tu sais, ces créatures qui se nourrissent de sang et qui se transforment en chauve-souris ! Et toi tu...tu... ! C'est tout ce que ça te fais ? Tu pourrais au moins faire semblant d'être un tout petit peu surpris !!"Pour la seconde fois, il quitta son livre des yeux pour les poser sur son ami. Celui-ci s'agitait dans tous les sens en débitant ses plaintes.
"Nathanaël. Je vois les morts. Mon frère est un fantôme qui me hante depuis 11 ans. Je me fais régulièrement possédé par toute sorte de mort. Ma grand-mère peut lire l'avenir et le passé de ses clients. Alors non, désolé, je ne suis pas plus étonné que ça. A la rigueur, si tu m'avais dit que tu étais un dieu..."Il mentait un peu. Il avait été surpris. Mais il aimait embêter son meilleur ami. C'était marrant.
"Maiiiiiiiis... Maiiiiiiiiiiis... Maiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiis...! C'est tout ?Il allait pour dire quelque chose mais le brun ne lui laissa pas le temps. Il s'assit brutalement à côté de lui, sur le banc, le poussant un bon coup au passage avant de pousser un soupir de fin du monde.
"Ouais. T'as raison en fait, c'est teeeeeeeellement banal. Je pourrais le crier sur le toit que tout le monde s'en foutrais."Sur ses mots, son ami se leva, mit ses mains en porte-voix et se mit à hurler.
"JE SUIS UN VAAAAAM- !!"Avant de se stopper net et de rasseoir sagement.
"En fait non. Mauvaise idée."Il le regardait, un sourcil levé, dubitatif. C'était quoi
ça encore ? Crise de la vingtaine ? Nan. Quand même pas. Avec un sourire compatissant, il posa sa main sur l'épaule du brun.
"Je ne suis peut-être pas surpris. Mais tu sais, tu as choqué Steaf pour la vie. Enfin, pour la mort.En effet, le petit fantôme était resté tout ce temps immobile, des yeux de merlans fris dans les orbites et la bouche ouverte. Lui d'ordinaire bruyant et intenable de bougeait plus et ne faisait pas un bruit. Il était très juste de parler de choc et non de surprise.
"Hmmmmmmmmmmmm... So. Well. Sorry gamin."S'excusa le brun avant de le saisir par les épaules et de rapprocher son visage du sien en faisant de gros yeux.
"Tu vois, CA, c'est une réaction NORMALE !! CA, c'est une BONNE réaction.""Hmmmmmmmmmmmm... So. Well. Sorry, gamin."Répéta-t-il dans une mauvaise imitation de son ami, appuyant particulièrement sur le dernier mot. Non mais. On ne traitait pas son frère de gamin quand celui-ci n'agissait pas comme tel. Il était peut-être le fantôme d'un enfant de neuf ans, mais il devrait avoir son âge normalement. Soit être plus vieux que Nathanaël.
Il se leva du banc et alla s'accroupir en face du fantôme, passant sa main devant ses yeux dans l'espoir d'une réaction. Que dalle.
"Euh... Il est mort ?"Demanda une voix derrière lui. Il ne murmura qu'un "abruti" bien sentit. Demander si un fantôme était mort.... Imbécile. Le fantôme ne réagissait pas. Bien. Il semblait qu'il allait rester comme ça un moment. La faute à l'autre idiot, annoncer ça comme ça. Le nombre de personnes bizarres augmentait.
Les vampires existaient.Il était bien une fois
Un adulte sans histoire,
Vivant comme il en avait le droit,
Ses malheurs en mémoire.
Gardien d'un secret
Qui n'était pas rien,
Il était condamné à le garder
En plus des siens.
Voulant vivre une vie
Ordinaire tout en étant
Dissemblable à autrui,
Pour toujours différent.
Il devint juste une ombre
Arpentant les couloirs
D'un bâtiment macabre,
Écoutant les histoires
De morts lugubres.
"Alors ? Que vous est-il arrivé ?"Demanda-t-il doucement à l'âme à côté de lui tandis que deux infirmiers déposaient le corps sur la table d'autopsie. Un jeune homme.
"...Overdose de médicament.""Suicide ?"Continua-t-il en prenant le dossier du patient. Ancien patient. Les infirmiers repartirent sans un mot, mal à l'aise avec leur collègue qui semblait parler à lui-même. Le récent fantôme secoua la tête.
"Non. Un accident. Somnifères, antidépresseurs et antidouleurs ne font pas un bon mélange.""En effet."Il parcouru le dossier médical. De nombreuses visites pour blessures. Prescriptions régulières d'antidépresseurs et de somnifères. Les antidouleurs étaient plus récents.
"Vous vous blessiez souvent...""Oui. J'étais assez casse-cou !"Il y eut un moment de flottement. L'âme récemment décédée était mal à l'aise. Ça ne l'étonnait pas. Qui ne le serait pas en voyant son corps dans une chambre mortuaire ? Bientôt enterré.
"Excusez-moi mais...""Mmh ?""Vous allez...m'autopsier ?""Non. Les causes de votre mort sont connues alors il n'y en n'a pas besoin. Sauf si votre famille ou le médecin qui vous a prit en charge le demande."Il entendit l'âme soupirer. Bien. Il supposait que personne n'aimait voir son corps, même mort, se faire ouvrir et vider, même provisoirement. Il termina la lecture du dossier avant de le poser sur une table.
"Bien, maintenant, savez-vous ce qui vous attends ?""Non.""Votre corps va être préparé au dernier recueil de votre famille et à votre inhumation. Ou votre incinération selon votre choix. Ensuite...votre âme se reposera.""Se reposera ? Vous parlez du paradis ?""Allez savoir. J'ignore où vont les âmes après l'inhumation. Au paradis ou ailleurs. Tout ce que je peux vous dire est de ne pas résister à la sensation qui vous envahira à ce moment-là. Laissez-vous simplement faire."Il pouvait voir que l'âme n'était pas rassurer. Ça serait dur de l'être dans sa situation, mais il ne s'en préoccupa plus que ça pour le moment. Il avait du travail, et il n'avancerait pas seul.
Ainsi se finit mon histoire
Bien qu'il en reste encore
A vivre et à voir
Avant sa mort.
Du moins espérons.
On ne peut pas être sûr
De ce que seront
Ses prochaines aventures.
La suite est à écrire
Sur du papier blanc
Et à vivre
Pleinement.
Entièrement.
Intégralement.
Totalement.
ZE END.
C'est bon, tu peux respirer et aller te reposer. Promis je recommencerais pas ♥