Comme une fleur fanée, telle la succession des saisons, cette douce transition entre brises chaleureuses et souffles d'hiver, c'est une bonne étoile aussi terne que blafarde qui veille au-dessus de Kris, laissant progressivement à l'abandon ce lot de fortune, ce trône de Fatalité, pour céder place à son parfait opposé, à savoir la Guigne.
Celle-ci s'est faite Impératrice de cet Empire onirique qui n'appartient qu'à elle, et prend un malin plaisir à tourmenter le sommeil de son hôte. Non Kris, tu ne reposeras jamais en paix. Cauchemars et rosseries font partie intégrante de son quotidien, si bien que cette notion de rêverie utopique lui est désormais inconnue.

Chaque nuit, elles reviennent. A chaque fois qu'il daigne fermer les yeux, elles sont là, à l'image d'une pellicule projetée sur un mur, tel un flash strident. Comme s'il vivait constamment dans un musée des horreurs, Kris ne compte plus ses visions, aussi glauques soient-elles. Sans queue ni tête, ces illusions qu'il ne peut s'expliquer ont parfois le don de le rendre quelque peu paranoïaque.
Sans doute est-ce dû à la fatigue, cet épuisement qui lui pèse sur les épaules, mais la graine de l'incertitude a assurément germé en son cœur si confus, tiraillé de toute part entre l'envie de se dire qu'il lui reste un semblant de santé mentale, et cette autre part de lui-même qui préférerait se plier devant une vérité peut-être mensongère.

C'est cette même incertitude qui pousse le jeune homme à côtoyer l'insécurité qui rôde en ce monde, le forçant ainsi à user de ses meilleurs réflexes défensifs... Même lorsque la situation s'avère en réalité inoffensive. Constamment sur le qui-vive, il n'a de cesse d'essayer de se convaincre, de changer, en se disant que le monde n'est pas aussi mauvais qu'il ne lui semble. Mais son manque de confiance l'emporte toujours et le tire, chaque jour un peu plus, vers cette solitude qui le ronge jusqu'à l'os, tant il lui est difficile de nouer avec autrui.
S'il lui arrive, toutefois, de trouver un certain réconfort dans ce fameux proverbe stipulant qu'il vaut mieux être seul que mal accompagné, Kris aimerait tout de même apprendre à gérer ses émotions, pour ainsi être en mesure d'accorder aux autres cette confiance qui ne demande qu'à s'endurcir.

La peur de l'échec. La crainte de décevoir, de ne pas être à la hauteur. Un sentiment qui lui colle à la peau et qui semble peu enclin à disparaître. Tout comme ses cauchemars, ses visions, Kris vit avec cette hantise, malgré tous les efforts qu'il déploie afin de se montrer sous son meilleur jour.
Pourtant, en dépit de tout ceci, son ardent tempérament revient inlassablement à la charge, faisant aisément bouillir ce liquide vital parcourant ses veines. A son plus grand dam, Kris n'arrive pas toujours à garder le peu de sang-froid dont il dispose, malheureusement. Que voilà un trait de caractère -sûrement- en partie dû à son sommeil, certes si précieux, mais également aussi agité qu'inhospitalier...

Peu importe l'heure, son quota de repos se veut le plus proche de zéro, dû à ses fourbes insomnies qu'il aura beau tenter de combattre à l'aide de toutes sortes de médecines, rien ne semble marcher indéfiniment. Le tout se solde ainsi par des sautes d'humeur et pousse souvent Kris au bord de ses propres limites, l'incitant sournoisement au regret.

S'il ne sait pas sur quel pied danser, il reste néanmoins sûr de sa détermination et de l'entrain qu'il porte envers ses plus grandes intentions. Parmi elles, ce travail titanesque qu'il se doit d'effectuer sur lui-même. Gérer cette dualité entre son manque de maîtrise émotionnelle et cette envie de bien faire. Kris n'a, en aucune façon, un mauvais fond. Aussi incertain qu'imprévisible, bien que toujours réticent à se l'avouer, il ne peut nier son côté versatile.
De ce fait, il n'est pas aisé de prévoir ses réactions. Mais s'il est vrai qu'il peut avoir le pardon facile, il peut également faire preuve d'une rancune si tenace qu'il vous faudrait remuer ciel et terre pour vous rattraper -et encore, sans garantie.

Capable du meilleur comme du pire, Kris évalue chaque individu au cas par cas. Prenant le temps d'observer, d'analyser, d'étudier... L'ignorance n'est vouée qu'à vous mener à votre perte. Une raison pure et simple qui suffit généralement à le motiver dans la plupart des situations qu'il eut pu rencontrer jusqu'à présent. Ainsi, il peut s'afficher en bon samaritain, jouer les âmes charitables et faire preuve d'une compassion si étonnante qu'il serait difficile de croire qu'il peut également se laisser dévorer par une colère si noire qu'il vous abandonnerait sans remords, même si vous en veniez à rendre votre dernier souffle.

Côtoyer ce cher Kris, c'est fréquenter la personnification-même des aléas, jouer à pile ou face, ces jeux de hasard qui ne vous garantissent aucun résultat concret. Il faut le voir pour le croire, tenter sa chance pour obtenir satisfaction... Ou pour tout perdre.